COLLOQUE : Pénalisation de la négation du génocide des Tutsis

Sous le haut patronage de Louis Michel, Ministre d’État et Député européen

Colloque : Pénalisation de la négation du génocide des Tutsis : Obstacle à la libre expression et à l’écriture de l’histoire ?

Date et heures: le 26 mars 2018, de 8h30 à 13h00.

Lieu: Parlement Européen

Rue de Trèves 3 (place du Luxembourg),

1050 Bruxelles

BELGIQUE

Accès :

Bus :    Ligne 38 arrêt Luxembourg ou Ligne 80 arrêt Museum

Metro : Ligne 2 (arrêt Trône) ; Lignes 1A et 1B arrêt Parc Léopold

Train:   Station Gare de Luxembourg

NB : Réservation obligatoire avant le 20/03/2018: info@ibuka.be.

Pour obtenir un badge et entrer au Parlement européen merci de nous communiquer : Nom ; prénom ; date de naissance ; nationalité ; pièce d’identité ; numéro de la pièce d’identité.

Programme

08h00 : Accueil

08h30 : Mot de bienvenue et d’introduction : Déogratias MAZINA – Président d’IBUKA Mémoire et Justice-Belgique

Panel 1 : La pénalisation de la négation des génocides                                                    

Modérateur : Me Grégoire JAKHIAN. Avocat des Barreaux de Bruxelles et de New York, Président de l’Assemblée des Représentants de la Communauté arménienne de Belgique.

Panelistes :

  • Me Michel Mahmourian : Avocat du barreau de Bruxelles, ancien président du Comité des Arméniens de Belgique : Etat actuel de la question sur la loi pénalisant le négationnisme des génocides (Shoah, génocide des Arménien, génocide des Tutsi) et outils à disposition.
  • Pierre Galand : Président de l’Association pour les Nations Unies (APNU).      Droits humains, droit à la liberté d’expression et droit à la mémoire en rapport avec les conventions internationales issues de la Déclaration Universelle des droits de l’homme.
  • Me André Martin KARONGOZI. Avocat des Barreaux de Bruxelles et du Rwanda, membre fondateur et ancien Président d’IBUKA Mémoire et Justice : La qualification des faits, une des armes pour combattre la négation des génocides.

Pause-café

Panel 2 : Pénalisation de la négation du génocide des Tutsis. Sa relation avec la réconciliation, la libre expression et l’écriture de l’histoire

Modérateur : Ernest Sagaga, Juriste, Fédération Internationale des Journalistes.

Panelistes :

  • Jean Damascène Bizimana : Docteur en Droit international. Secrétaire Exécutif de la Commission National de Lutte contre le Génocide des Tutsi au Rwanda (CNLG). Auteur du livre « L’itinéraire du génocide contre les Tutsi » (édit. IZUBA 2014). La pénalisation de la négation du génocide des Tutsi au Rwanda, son impact sur la réconciliation, la libre expression et l’écriture de l’histoire.
  • Vincent DEPAIGNE: Juriste, fonctionnaire à la Commission de l’Union européenne, unité droits fondamentaux, Direction générale justice.

La pénalisation de la négation du génocide des Tutsis à la lumière de la Décision-cadre de l’Union européenne contre le racisme et la xénophobie. 

  • Pr Frédéric Encel: Docteur en géopolitique et Professeur de relations internationales à l’ESG Management School ; Maître de conférences à Sciences-Po Paris et intervenants à l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale. Auteur de nombreux articles sur le génocide des Tutsi au Rwanda et de nombreux ouvrages dont : « De quelques idées reçues sur le monde contemporain, Précis de géopolitique à l’usage de tous (Autrement, 2013), dont un chapitre a été consacré au génocide des Tutsi au Rwanda ; et de « Génocide du Rwanda: la faute de Mitterrand » (Controverses, N° 6, novembre 2007), coécrit avec Patrick de Saint-Exupéry, Raphaël Glucksmann, David Rigoulet-Roze. Pénalisation en France de la négation du génocide des Tutsis, et sa relation avec la libre expression et l’écriture de l’histoire.

Débats :

Synthèse et conclusion :

Dr Jean MUKIMBIRI. Docteur en Philosophie et Lettres ; Membre de l’Equipe Centrale du Centre de Formation CARDJIN ; auteur d’une thèse de doctorat et de plusieurs articles scientifiques sur le génocide des Tutsis.

Clôture

Le Contexte

Il y a plusieurs manières subtiles de nier le mal ou de le neutraliser: le rationaliser, en disant que tout peut se comprendre et se réduire à une erreur; l’universaliser, en disant que tout le monde le fait et tirer la conclusion que ce n’est pas un mal ; le refouler, c’est-à-dire ne pas vouloir le reconnaître; le rendre impossible en abolissant la loi[1].

Pénalisation de la négation du génocide des Tutsis : Obstacle à la libre expression et à l’écriture de l’histoire ?

Voilà donc un colloque qui vient à point nommé. Le projet de loi belge qui en découle et que nous saluons déjà, se fonde autant en raison qu’en droit. Tenant de l’effet d’exemplarité positif des codes pénaux européens et internationaux qui incriminent la négation de la Shoah, cette loi devrait voir le jour, car basée sur une jurisprudence suffisante et abondante.

À travers la Décision-cadre 2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre 2008, un droit européen a été élaboré, pour combattre le racisme et la xénophobie, imposant ainsi à plusieurs Etats membres, de réprimer le négationnisme de génocides et d’autres crimes de masse.

Dans le même esprit, la loi votée en date du 23 mars 1995 envisage de réprimer, en Belgique, la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand, pendant la Seconde Guerre mondiale. Une loi qui devrait être étendue à d’autres génocides.

Pourtant, en ce qui concerne la négation du génocide commis au Rwanda contre les Tutsis en 1994, sa pénalisation reste encore absente de la législation belge, malgré les diverses quêtes et sollicitations de la part des rescapés, et en dépit des différentes propositions de lois déposées par certains Députés (dont celle en cours, déposée par Monsieur Foret, Député MR au Parlement fédéral belge). IBUKA MÉMOIRE ET JUSTICE a également organisé plusieurs conférences, pour débattre de la problématique ainsi posée. La dernière en date remonte à mars 2016. A chaque fois, le constat des experts est unanime: « La négation du génocide anti-tutsi est une réalité en Belgique et sa pénalisation est une nécessité « .

Non seulement cette négation est un déni de justice et un assassinat de la mémoire des victimes, mais aussi, la non-pénalisation de celle-ci risque d’aboutir à une habilitation, une réhabilitation, une consécration ou une importation en Belgique, d’une idéologie raciste, divisionniste et génocidaire, qui porteraient atteinte à la sécurité et à l’ordre publics. La négation du génocide en cause alimente, en effet, radicalisme et rejet de l’autre, avec les conséquences incalculables que l’on entrevoit déjà.

Les contempteurs de la pénalisation du négationnisme avancent comme arguments, que la loi mettrait à mal ou en péril le principe démocratique fondamental de la liberté d’expression; certains mettent en avant la liberté d’écriture de l’histoire qui, selon eux, ne devrait être gérée, ni par le monde politique, ni par le monde judiciaire. D’autres y voient une censure intellectuelle qui serait indigne d’un pays libre et démocratique[2].

C’est là, procéder à des restrictions mentales, et feindre d’oublier que la pénalisation d’un génocide n’est en aucun cas une violation du droit à la libre expression, ni à la liberté d’écriture de l’histoire. Une telle pénalisation consiste plutôt à limiter, légalement, la liberté d’inciter à la haine raciale et à la violence. Il s’agit d’une interdiction légale de la discrimination raciale.

Sur un autre plan, l’apaisement et la reconstruction des victimes d’un génocide est une condition sine qua non, pour une vraie réconciliation. La vraie réconciliation doit passer par la protection des acquis en matière de reconnaissance, pour éviter toute manipulation ayant pour but d’occulter la connaissance scientifiquement élaborée du passé.

Force est de préciser que ce qui est poursuivi pénalement dans le cas de la négation d’un génocide n’est pas la différence d’opinion, mais plutôt le comportement délinquant d’un individu qui, sous la couverture d’une liberté d’expression, serait tenté d’inciter au génocide. Ce qui est ici puni est l’abus de l’exercice de la liberté d’expression, qui pourrait porter atteinte à l’ordre public et aux droits des tiers.

Si elle venait à voir le jour, une telle loi permettrait de mettre à terme aux élucubrations, aux spéculations et aux manipulations sur le génocide des Tutsis, tant ces dernières sont devenues monnaie courante chez certaines personnes ou catégories de personnes, du reste en quête d’une reconnaissance politique, plutôt que de l’idéal démocratique aux antipodes duquel ils se situent formellement.

Le présent colloque se propose de contribuer à l’ouverture d’un espace de réflexion sur l’impact positif de la pénalisation du génocide en général, et de celle du génocide perpétré au Rwanda contre les Tutsis en 1994 en particulier.

Les interventions des experts et les échanges avec le public permettront d’identifier les outils, les mécanismes, les stratégies et les instances nécessaires pour la mise en place d’une loi juridiquement et socialement bétonnée, permettant de colmater les lignes de fracture identifiées par le Professeur Geoffrey Grandjean dans son analyse sur la répression du négationnisme en Belgique[3].

[1]Le Cardinal Godfried Danneels. Documentation catholique, N° 2121, p. 754, 1995.

[2] Appel de Blois « Liberté pour l’Histoire » rédigé en 2008 au cours des Rendez-vous de l’histoire, et signé par plusieurs historiens, relayant la pétition de l’association liberté pour l’histoire de Pierre Nora, lancée en 2005 pour s’opposer aux lois mémorielles.

[3] Geoffrey Grandjean. La répression du négationnisme en Belgique : de la réussite législative au blocage politique. Droit et société, 2011/1 (n° 77), p. 137-160.