Discours de Placide Kalisa, président d’Ibuka à l’occasion du lancement des activités de la 10 ème Commémoration du Génocide des Tutsi 21/02/2004

Excellences,

Honorables Invités,

Mesdames et Messieurs,

Au nom de l’association IBUKA- Mémoire et Justice, j’ai le plaisir de vous saluer et vous remercier d’être venu encourager par votre présence le lancement des activités de la 10ième commémoration du genocide des Tutsi.

Il y a 10 ans à peine , d’avril à juillet 94, au Rwanda , un génocide se perpétrait dans la totale indifférence de la communauté internationale: le genocide des Tutsi du Rwanda.

En l’espace de quelques semaines , plus d’un million de personnes (hommes , femmes, enfants) seront massacrées en raison de ce qu’ils sont par naissance, c.à.d des Tutsi. D’autres le seront pour leur opposition à l’idéologie génocidaire, parmi eux des démocrates hutus. La machine d’extermination du « Hutu power » n’a pas pu empêcher qu’il y ait des témoins, rescapés trop peux nombreux hélas ! , témoins de l’indicible , dont certains sont parmi nous ce soir.Ces grands oubliés de l’après – génocide, preuves qu’on assassine encore aujourd’hui, sont pour l’association Ibuka les piliers de la construction de la mémoire et la semence pour les générations à venir. Cependant, il ne faut pas oublier que le génocide est le crime des crimes contre l’humanité. Nous sommes tous des rescapés…

Les activités que nous lançons solennellement aujourd’hui ,seront placées sous l’ égide d’une triple exigence ,de ce que j’appellerai les 3 impératifs de la 10ème commémoration :Vérité,Justice,Souvenir c’est le sens de l’appel Ibuka-RésistanceS.

Les activités de la 10éme commémoration seront l’occasion de poser des interrogations cruciales :

  • Depuis les multiples recommandations à la fois des associations Ibuka et de la conférence internationale de Kigali sur le génocide en 1995, de celles du rapport de l’Organisation de l’Unité Africaine, actuellement Union Africaine, et des recommandations de la commission d’enquête indépendante (rapport Carlsson sur les actions de l’ONU lors du genocide), quels progrès ont été réalisés dans la mise en application des solutions proposées?
  • Quels sont les obstacles , et comment les surmonter ?Y-a-t-il eu suffisamment de volonté politique tant nationale qu’internationale? Le Rwanda fait ce qu’il peut selon ses moyens mais l’action internationale se fait encore attendre.
  • Quelle est l’efficacité des méthodes , des mécanismes,et des structures mis en place ?

Distingués invités ,

Mesdames et Messieurs,

Face au genocide il n’y pas de neutralité éthiquement possible et humainement acceptable.

L’association Ibuka se félicite que le 7/04/2004 qui marque la 10 ième année de commémoration du génocide des Tutsi ait été déclaré par la cinquante-huitième assemblée générale des nations unies comme journée internationale de réflexion pour les états-membres sur le génocide des Tutsi perpétré au Rwanda. Elle offre l’occasion au monde entier non seulement de se livrer au nécessaire devoir de mémoire , mais aussi d’entamer le processus de rétablissement en droits des victimes du génocide en mettant en application les recommandations 13 et 14 du Rapport Carlsson.

Honorables invités,

Mesdames et Messieurs,

Nous vivons un moment-clé de notre histoire , la recomposition de la société rwandaise et la nécessité de se projeter dans l’avenir devront obligatoirement passer par la reconnaissance et l’acceptation de l’héritage du passé.

Cette Conscience du passée permettra d’entrevoir la construction d’une société dans laquelle la coexistence pacifique sera possible .

C’est cette conscience du passé qui, aujourd’hui nous réunit dans notre rejet de l’impunité, de l’amnistie et du négationnisme.

Je suis très heureux de saluer ceux d’entre vous qui nous viennent en appui dans cette lutte en signant l’appel pour la vérité , la justice et le souvenir initié par IBUKA Belgique et RésistanceS.

La prise de conscience du génocide est donc une exigence qui concerne non seulement le passé mais aussi le présent et l’avenir. « Elle doit, réellement, rester ancré dans la mémoire collective de l’humanité. »

Son importance pédagogique, éthique et civique peut être considérable si nous savons lui accorder la juste attention. Et cela, afin que les victimes soient réhabilitées dans leur humanité et que cette ignominie ne ressurgisse ni au Rwanda ni nulle part ailleurs..

C’est pourquoi , j’en appelle à une participation renforcée de la société civile et de tous ceux qui veulent répondre à l’interpellation éthique suscitée par le génocide tutsi. Prenez une part active chacun à sa manière dans les activités de la 10ième commémoration.

Honorables invités,

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi d’abord d’exprimer toute ma gratitude à ceux qui nous ont prêté main- forte dans la réalisation de ces activités de la 10ième commémoration. L’Union Africaine, la Fondation pour la mémoire de la Shoah,

Avec le soutien de :

  • Ministère de la Justice,
  • Communauté Wallonie-Bruxelles,
  • Université libre de Bruxelles,
  • Ambassade du Rwanda à Bruxelles,
  • CGRI,
  • COCOF,
  • Service de l’Education permanente – Direction générale de la Culture,
  • RésistanceS
  • Artistes rwandais,
  • Troupes Ihanika, Amarebe, Amaliza et Ibirezi
  • Associations Gwiza et Amahoro,
  • Oxfam-Solidarité,
  • CNCD,
  • Communes d’Auderghem, Woluwe-Saint-Pierre,
  • Kraainem, Ottignies – Louvain-la-Neuve
  • Ainsi que les autres organisations qui ont marqué leur solidarité.

Permettez-moi en guise de conclusion de lancer une ultime exhortation :

Puissent la solidarité avec les victimes du génocide tutsi apparaître , enfin comme le langage commun de l’humanité au cours de cette 10ème commémoration dont nous lançons les activités aujourd’hui.

Je vous remercie de votre attention.

Dr Kalisa Placide