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La politique nationale depuis 1994 pour combattre le génocide, l’idéologie génocidaire et le négationnisme du génocide perpétré contre les Tutsi

COLLOQUE IBUKA BELGIQUE, 25 Mars 2022

Présentation : Dr BIZIMANA Jean Damascène, Ministre de l’Unité Nationale et Engagement Civique

  1. Introduction

La culture de l’impunité au Rwanda depuis le début des années 1960:

  • Cas de Gitera et la publication des dix commandements des Hutu, 25 septembre 1959 dans un meeting à Butare (Ngoma) ;
  • Elaboration des lois d’impunité par le président Kayibanda pour les auteurs des massacres de Tutsi entre 1959 et 1963, Loi du 20 mai 1963:

Art. 1: « Amnistie générale et inconditionnelle est accordée pour toutes les infractions commises à l’occasion de la Révolution sociale pendant la période du 1er octobre 1959 au 1er juillet 1962 et qui, en raison de leur nature, de leur mobile, des circonstances ou des motifs qui les ont inspirées, rentrent dans le cadre de la participation à la lutte de la libération nationale et revêt ainsi un caractère politique même si elles constituent des infractions de droit commun ».

Art. 2 : « Sont écartées du bénéfice de l’amnistie accordée par l’article 1er de la présente loi des infractions commises durant cette période par des personnes qui ont lutté contre la libération des masses opprimées par la domination féodo-colonialiste ».

Ce texte était toujours en vigueur en 1994 lors de l’extermination des Tutsi.

  • Réserve sur les principales conventions internationales pour les rendre inapplicables sur le territoire rwandais. Cas de la réserve sur l’article IX de la Convention sur la prévention et la répression du génocide, etc.

2. Sur le plan juridique : combler le vide législatif

2.1 Absence de texte juridique réprimant le génocide

Il n’existait pas en 1994 dans le droit rwandais un texte juridique qui pouvait servir de base légale pour l’engagement des poursuites et des procès. Depuis 1976, le Rwanda avait ratifié la convention sur le génocide, mais n’avait pas pris de mesures législatives pour intégrer les dispositions de cette convention dans le droit interne.

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Pour combler ce vide juridique, le législateur instaura la loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité.

2.2 Principales composantes de la Loi sur le génocide de 1996

Création des mécanismes inédits comme les chambres spécialisées auprès des tribunaux de première instance et des juridictions militaires spécifiquement consacrés au contentieux du génocide.

  • Instauration du classement des criminels en 4 catégories suivant la gravité des infractions commises:
  • La première catégorie concernait les dirigeants, les planificateurs, et les meurtriers les plus notoires ;
  • La deuxième catégorie incluait les auteurs d’homicides et les violeurs
  • La troisième catégorie incluait ceux qui avaient tué ou porté atteinte à l’intégrité physique sans intention de donner la mort ;
  • La quatrième catégorie incluait ceux qui avaient volé ou porté atteinte aux propriétés.
  • Possibilité d’aveu et de plaidoyer de culpabilité permettant que les peines soient réduites pour ceux qui avouaient leurs crimes et donnaient des informations complètes sur leurs complices.

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Toutefois, le génie de cette loi n’a pas suffi pour permettre le jugement dans un délai raisonnable de près de 120.000 détenus poursuivis pour génocide.

D’autres mécanismes ont été alors essayés sans succès retentissant :

  • Les groupes mobiles qui comprenaient des agents judiciaires qui passaient d’un parquet à un autre pour examiner les dossiers et libérer les personnes dont les charges étaient vides ou insuffisantes ;
  • Les libérations humanitaires de personnes âgées, malades et mineures, ainsi que celles de personnes accusées d’atteintes aux biens.

Ces mesures ont permis de libérer 35.000 personnes entre 1997 et 1999, mais les prisons abritaient encore près de 100.000 suspects du génocide.

2.3 Situation des jugements

1997 : 330 personnes poursuivies pour génocide et crimes contre l’humanité avaient été jugées

1998 : 1 292 personnes avaient été jugées et peu de personnes accusées avaient fait des aveux, décevant les espoirs selon lesquels les accords de réduction de peine réduiraient le nombre de personnes devant être jugées.

A ce rythme, il aurait fallu un délai de 160 ans pour terminer les procès du génocide. La conséquence de cette situation était double : d’une part, les victimes risquaient de passer trop d’années en quête d’une justice qui ne venait pas ; et d’autre part, les suspects et les accusés allaient être détenus pendant des années sans jugement.

2.4 Le choix de la justice du peuple : Gacaca

  • L’institution du système de justice participative GACACA fut l’objet des réflexions engagées depuis 1998 dans le cadre des réunions tenues à la présidence de la République. Le problème de la justice du génocide fût l’un des principaux points qui avait retenu l’attention des participants à ces réunions. Il était de l’avis de tous qu’il fallait un système de justice qui permet, non seulement de réprimer le coupable, mais aussi et surtout, de rétablir le dialogue social et rebâtir la société sur des bases solides. L’idée de recours au système traditionnel de règlement des différends fût retenue à l’avis de la majorité.
  • Une commission ad hoc fut alors mise en place en octobre 1998 avec pour mandat d’étudier les possibilités de résorber le contentieux du génocide. Son Rapport publié en 1999 fut une base pour mener une plus large concertation avec toutes les couches de la population.
  • A la suite de ces consultations, le Gouvernement publia en juillet 1999 un Projet concernant les juridictions Gacaca qui fut suivi d’une série de débats avec plusieurs groupes de représentants de la population et des acteurs internationaux.
  • Suite à ces consultations, le projet initial engendra la loi N°40/2001 du 26 janvier 2001 portant création des juridictions Gacaca et organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité, commises entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994. Cette loi fut modifiée à différentes reprises pour la rendre applicable aux différentes situations qui se présentaient.
  • Les juridictions GACACA instituées, combinaient à la fois des éléments issus des pratiques coutumières de résolution des différends et des aspects de la justice moderne.
  • La population, plus particulièrement celle qui se trouvait sur les lieux des crimes, était à la fois JUGE, TEMOIN et PARTIE. C’est pourquoi les auteurs des crimes ont été conduits non pas dans une salle d’audience d’un tribunal, mais sur les lieux où les faits ont été commis, afin de reconstituer la vérité historique et judiciaire.
  • Les juges étaient élus par la population et habilités à mener des enquêtes, à assigner en comparution, à décider des détentions préventives et à prononcer des peines.
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La conclusion est que le jugement de près de deux millions de procès du génocide représentait un travail titanesque jamais égalé dans l’histoire de l’humanité, mais le Rwanda a pu y parvenir grâce aux acquis de la culture rwandaise qui ont réinstauré le système Gacaca.

Il faut signaler à cet effet que le TPIR qui a fonctionné pendant 20 ans avec un budget annuel d’au moins 200 millions de dollars n’a pu juger que 75 personnes seulement pour près de 5 milliards de dollars dépensés.

3. Les réformes constitutionnelles et judiciaires de 2003

3.1 La Constitution de 2003 révisée en 2015

L’année 2003 fut marquée par d’importantes réformes législatives, notamment l’adoption de la nouvelle Constitution du 4 juin 2003 qui contient plusieurs dispositions de lutte contre le génocide et son idéologie ainsi que l’obligation de mémoire et la lutte contre le négationnisme.

Dans l’article 13, la Constitution spécifiait que le révisionnisme, le négationnisme, et la minimisation du génocide étaient des délits tombant sous le coup de la loi, tandis que l’article 33 stipulait que toute propagande ethnique, régionaliste et raciale, ainsi que toute propagande basée sur toute autre forme de division, est un délit qui tombe sous le coup de la loi.

Lors de la révision de la Constitution en décembre 2015, cette détermination à combattre le génocide et son idéologie y est maintenue de façon ferme :

Son préambule édicte le principe suivant :

« CONSCIENTS du génocide perpétré contre les Tutsi qui a décimé plus d’un million de fils et filles du Rwanda et conscients du passé tragique qu’a connu notre pays; DETERMINES à prévenir et réprimer le crime de génocide, combattre le négationnisme et le révisionnisme du génocide, éradiquer l’idéologie du génocide et toutes ses manifestations ainsi que les divisions et discriminations basées sur l’ethnie, la région ou autres »

L’Article 10 de la Constitution qui évoque les Principes fondamentaux sur lesquels le peuple rwandais s’engage à respecter, le premier d’entre eux porte sur la « prévention et répression du crime de génocide, lutte contre le négationnisme et le révisionnisme du génocide ainsi que l’éradication de l’idéologie du génocide et toutes ses manifestations ».

3.2 La loi sur la répression du génocide et du négationnisme de 2003

L’année 2003 a également vu la promulgation d’une nouvelle loi sur la répression du génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, la loi n° 33 bis du 6 septembre 2003.

Contrairement à la loi sur le génocide de 1996 qui réprimait les infractions de génocide et crimes contre l’humanité commises depuis le 1er octobre 1990, la nouvelle loi est conçue exclusivement pour l’avenir et prévoit les poursuites de ces crimes s’ils venaient d’être commis à nouveau.

Une autre nouveauté de la loi de 2003 c’est qu’elle a introduit les poursuites pour les négationnistes en interdisant : « le déni, la minimisation grossière et toute tentative de justifier ou d’approuver le génocide ainsi que toute destruction de preuve du génocide. »

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La loi inséra aussi la possibilité de dissoudre les associations ou partis politiques qui manifesteront des idées génocidaires ou négationnistes.

Au niveau de la sanction, la loi de 2003 punissant le génocide, les personnes condamnées pour déni ou minimisation du génocide, justification du génocide ou destruction de preuve liée au génocide, étaient passibles d’une peine d’emprisonnement de dix ans minimums et de vingt ans maximums. Cette loi a rencontré des difficultés dans son application, les juges hésitant à prononcer de si longues peines d’où une nouvelle loi de modification.

3.3 La loi spécifique sur l’idéologie du génocide et le négationnisme

La Loi Nº 59/2018 du 22/8/2018 relative au crime d’idéologie du génocide et autres infractions connexes fut votée pour répondre à certaines critiques qui considéraient l’ancienne loi comme étant imprécise au niveau de la définition de l’idéologie du génocide.

La loi va alors s’attacher à donner une définition claire du crime d’idéologie du génocide et des ses manifestations que je vais évoquer brièvement :

Définition

La loi de 2018 définit l’idéologie du génocide comme un acte intentionnel commis en public, soit par voie orale, écrite, par images ou par tout autre moyen pour prôner ou soutenir la destruction, en tout ou en partie, d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, commet une infraction.

La loi définit également le terme public pour le rendre le plus clair possible et mettre ainsi à certaines critiques notamment de Human Rights Watch et Amnesty International qui disaient que la définition de l’idéologie du génocide dans l’ancienne loi manquait de clarté et de précision juridique.

Dans la loi de 2018, le terme « public » est défini comme un endroit où plus de deux (2) personnes sont rassemblées.

Ensuite, la loi précise que sont également considérés comme ayant été faits en public, des actes suivants:

1º une publication sur un site web;

2º une publication sur des réseaux sociaux;

3º une publication dans les médias;

4º un message envoyé à une personne;

5º enregistrements audio ou des images vidéo réalisés au moyen d’un appareil approprié ;

6º toute autre publication à travers les technologies de l’information et de la communication.

Au niveau du champ d’application de l’idéologie du génocide et infractions connexes, la loi indique que le crime d’idéologie du génocide et infractions connexes, s’applique aux trois cas suivants :

1 º au génocide perpétré contre les Tutsi ;

2 º à tout génocide reconnu par les Nations Unies ou les tribunaux internationaux ;

3 º tout autre acte menant au génocide tel que défini par les accords internationaux ratifiés par le Rwanda.

La loi établit ensuite 7 crimes qui sont considérés comme des infractions connexes à l’idéologie du génocide. Il s’agit :

a. Négationnisme

C’est un acte visant à :

1º déclarer ou expliquer qu’un génocide n’est pas un génocide: Exemples : dire qu’il n’y a pas eu de génocide contre les Tutsi, mais guerre civile, massacres interethniques, soulèvement de la population ; Onana = émission LCI 26/10/2019= « entre 1990 et 1994, il n’y a pas eu de génocide des Tutsi ni d’autre génocide. »

2º déformer la vérité sur un génocide dans le but de tromper le public : L’attentat contre l’avion du Président Habyarimana est la seule cause du déclenchement du génocide (Reyntjens, Pierre PEAN, John PHILIPOT,…);

3º affirmer qu’il y a eu double génocide au Rwanda : « Les génocides du Rwanda… » ou « les génocides rwandais » (André GUICHAOUA, Filip REYNTJENS, Dominique De Villepin, Bernard DEBRE,..), Twagiramungu Faustin, Matata Joseph, Ndagijimana J.M.V.,…

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4º déclarer ou expliquer qu’un génocide n’a pas été planifié :

Exemple :

  • « Sans hésitation on doit affirmer que la première et principale cause du génocide tutsi d’avril 1994 est l’attaque du pays par les Tutsi eux-mêmes » (Perraudin, 2003).
  • Arusha, 4 avril 2006 : le père Serge Desouter, cité comme expert par la défense dans le procès de Bagosora a affirmé qu’il n’y a pas de preuve d’un plan de génocide contre les Tutsi en 1994 : « Mon point de vue général est qu’on n’a pas prouvé un plan, quand il a été fait, qui l’a fait et comment, et ce qu’il y a dedans » « Il n’est pas correct de dire que les FAR ont préparé un génocide depuis longtemps comme si l’invasion (du FPR) n’était qu’un aspect anodin ».
  • Desouter, Rwanda : le procès du FPR. Mise au point historique, L’Harmattan, 2007. « Les massacres étendus et tragiques de 1994 ne résultaient pas d’un plan orchestré par les autorités gouvernementales ou par les FAR dans leur ensemble. (…) S’il y a eu une planification et une orchestration d’un génocide, il faut les chercher au sein du FPR qui en est l’ultime responsable». « Les leaders du FPR savaient que des tueries de grande ampleur résulteraient inévitablement de leurs actions»
  • Minimisation du génocide

 1º minimiser la gravité ou les conséquences du génocide :

  • Juge Merelles, Espagne : « le massacre des personnes tutsi qui n’avaient pas quitté le pays en 1959, était prévisible »;
  • (Lettre d’un groupe de prêtres rwandais au Pape, Goma, 2 Aout 1994) « Nous osons même affirmer que le nombre de Hutu tués par l’armée du FPR dépasse de loin les Tutsi victimes des troubles ethniques».

2 º sous-estimer la façon dont le génocide a été commis

  • Lettre des prêtres rwandais au Pape, 2/8/1994 : « Parler en insinuant que ce sont les seuls Hutu qui ont tué les Tutsi, c’est méconnaître que Hutu et Tutsi ont été tous les bourreaux les uns des autres»
  • 31 mai 1994, en marge du sommet franco-allemand tenu à Mulhouse, le président François Mitterrand, lors d’un petit déjeuner avec le chancelier allemand Helmot Kohl, déclara à son hôte qu’il y avait eu au Rwanda des massacres réciproques, jamais de génocide : « On nous a accusé d’avoir soutenu le régime précédent. On a un récit unilatéral du massacre. La réalité est que ‘tout le monde tue tout le monde’» !
  • 3 º donner de mauvaises statistiques sur les victimes du Génocide: 280.000 Tutsi au Rwanda (Pean) ; ONU 500.000 – 800.000 morts… Le nombre de victimes Tutsi n’est pas aussi important qu’on le dit (Pierre PEAN, Christian DAVENPORT, Allan SMITH, Jane CORBIN,…);
  • Justification du génocide

1° glorifier le génocide : c’est dans cette catégorie qu’on trouve des propos qui affirment qu’il fallait se débarrasser des Tutsi pour qu’ils ne tuent pas les Hutu. Exemples :

  • 2 juin 1995, interview de Mgr Phocas Nikwigize dans le journal belge De Volkskrant: « Un muhutu est simple et droit, mais un mututsi est rusé et hypocrite. Il se montre bien, poli et charmant, mais quand le moment est venu, il fonce sur tout. Un mututsi est foncièrement mauvais, pas par éducation, mais de par sa nature ». « Ce qui s’est passé en 1994 au Rwanda était quelque chose de très humain : quand quelqu’un t’attaque, il faut que tu te défendes… Dans une telle situation, tu oublies que tu es chrétien. Tu es alors humain avant tout ».

2° soutenir le génocide : Idem Mgr Phocas Nikwigize = « Comme dans toute guerre, il y avait des espions. Pour que les rebelles du FPR réussissent leur coup d’état, il fallait qu’ils disposent partout de complices. Les Batutsi étaient des collaborateurs, des amis de l’ennemi. Ils étaient en contact avec les rebelles. Ils devaient être éliminés pour qu’ils ne nous trahissent pas ».

3° déclarer qu’un génocide était fondé : Idem Mgr Nikwigize = « Mais c’est la faute des rebelles. Les Batutsi voulaient restaurer leur pouvoir et réduire les Bahutu en esclavage […] En vue d’atteindre cet objectif, ils disposaient de deux sortes d’armes : leurs fusils venus d’Europe et leurs femmes. Ils donnent leurs femmes aux Européens et restent ainsi en alliance durable avec eux tellement ils sont mauvais ! ».

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  • Disparition ou dégradation des preuves ou des informations relatives au génocide

Une personne qui, intentionnellement, dissimule, détruit, élimine ou dégrade les preuves ou les informations relatives au génocide.

  • Vol ou destruction, dégradation ou détérioration intentionnelle des corps des victimes du génocide
  • Démolition, endommagement ou profanation intentionnel d’un site mémorial ou un endroit où sont inhumés les corps des victimes du génocide
  • Violence contre un rescapé du génocide : un acte visant à harceler, intimider, déshumaniser, rappeler avec vantardise le mal qu’elle a fait, railler, insulter une personne ou endommager ses biens, au motif que la victime est rescapée du génocide.

Les peines sanctionnant l’idéologie du génocide et ses infractions connexes vont des 5 à 15 ans de prison avec des amendes variables.

Lorsque le crime d’idéologie du génocide et infractions connexes est commis par des établissements, des formations politiques ou autres organisations sont sanctionnées par une amende, mais le Tribunal peut, en plus de l’amende, ordonner la dissolution ou l’interdiction d’exercer leurs activités au Rwanda.

DES MESURES POLITIQUES

Dans le cadre politique :

  • Des institutions nouvelles adaptées au contexte post-génocide ont été créées dans le souci d’asseoir un véritable Etat de droit. Citons l’office de l’ombudsman chargé notamment de servir de liaison entre le citoyen et les institutions publiques et privées, prévenir et combattre l’injustice, la corruption, recevoir et examiner les plaintes des particuliers et des associations privées contre les actes des agents de l’Etat ou des services publics et privés ; la commission nationale des droits de la personne, etc.
  • Suppression des cartes d’identité à mention ethnique ;
  • Suppression des quotas dans les écoles et la fonction publique ;
  • Résoudre définitivement le problème des réfugiés et du droit à la nationalité ;
  • Créer une armée incluant des membres des ex-FAR ;
  • Réintégration des combattants qui rentrent des forêts du Congo et réintégration de certains d’entre eux dans l’armée nationale ;
  • Réforme du système carcéral;
  • Suppression des partis politiques caractérisés par l’idéologie du génocide et le négationnisme: MRND, CDR, MDR, etc.
  • Suppression de la peine de mort: depuis 2004, la réforme la plus importante en matière de droits humains a été une décision politique d’abolition de la peine de mort. Cette décision a été intégrée dans une loi de mars 2007 visant à faciliter le transfert au Rwanda de dossiers du TPIR, sous la juridiction duquel la peine de mort était interdite, le Rwanda a accepté de ne pas appliquer la peine de mort pour les suspects transférés du TPIR aux tribunaux rwandais.

Une loi adoptée en juillet 2007 a aboli la peine de mort pour tous les dossiers, commuant les peines de 1365 personnes en prison à perpétuité.

  1. SUR LE PLAN DIPLOMATIQUE

Le Rwanda a mis des efforts nécessaires pour que le génocide des Tutsi soit reconnu et réprimé comme il se doit sur le plan international ainsi que sa négation et des résolutions à cet effet ont été adoptées et sont désormais entrées dans la règlementation et la pratique internationale. Ces résolutions contribuent d’une certaine manière à lutter contre l’impunité et contre le négationnisme du génocide perpétré contre les Tutsi.

Quelques exemples :

  • Résolution 2150 du Conseil de Sécurité du 16 avril 2014

 Quelques extraits :

«Rappelant (…) Il existe des preuves accablantes que des actes de génocide ont été commis à l’encontre du groupe tutsi » (…); Rappelant que la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a dressé le constat judiciaire concluant qu’il était « un fait de notoriété publique » qu’« entre le 6 avril et le 17 juillet 1994, un génocide a été commis au Rwanda contre le groupe ethnique tutsi », rappelant également que plus d’un million de personnes ont été tuées dans ce génocide, (…) et prenant note en s’en inquiétant de toute forme de négation de ce génocide ;

Souligne qu’il importe de tirer les leçons du génocide perpétré en 1994 contre les Tutsis au Rwanda, (…) ;

Condamne sans réserve toute négation de ce génocide et invite instamment les États Membres à se donner des programmes éducatifs pour graver dans l’esprit des générations futures les leçons du génocide, le but étant d’en prévenir d’autres dans l’avenir;

Salue les efforts déployés par les États Membres pour mener des enquêtes et poursuivre toutes personnes accusées de ce génocide ;

Demande à tous les États (…) d’enquêter sur les faits, d’arrêter, de poursuivre ou d’extrader, en exécution de leurs obligations internationales en la matière, tous autres fugitifs accusés de génocide qui résident sur leur territoire, y compris les dirigeants des FDLR. »

  • Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU, 26 Janvier 2018

L’Assemblée Générale des Nations Unies a officiellement proclamé le 7 avril de chaque année « Journée Internationale de Réflexion sur le Génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda », décision qui corrige les inexactitudes qui existaient dans la résolution A/RES/58/234 de 2003 qui omettait de nommer le groupe ciblé pour l’extermination.

  • Résolution du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, 5 avril 2018

Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a adopté la décision suivante :

« (…) Réitère la nécessité de l’usage d’une terminologie appropriée et d’une analyse claire pour éviter tout risque de déni de génocide, de négationnisme et de révisionnisme.

A cet égard, le Conseil décide que la nomenclature appropriée pour le génocide contre les Tutsis au Rwanda sera: « Le génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda« ;

Se félicite de la résolution 72/550 du 26 janvier 2018 de l’Assemblée générale des Nations Unies faisant  du 7 avril de chaque année, la Journée internationale de réflexion sur le génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda.

A cet égard, le Conseil décide de consacrer le 7 avril de chaque année comme la Journée de l’Union africaine de commémoration du génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda. »

CONCLUSION

Le Rwanda se heurte souvent à des critiques des ONG et de certains Occidentaux qui considèrent que notre souci de prévenir le génocide et le négationnisme sont des textes visant à limiter la liberté d’expression. C’est ce qui nous est parfois reproché notamment dans des cas du terroriste Paul Rusesabagina et de Victoire Ingabire Ingabire. Ces reproches ne reposent sur aucun argument sérieux.

Paul Rusesabagina est un terroriste qui le chantait sur même sur les réseaux sociaux avant son arrestation. Et nous savons que le terrorisme est un crime international qui est réprimé partout au monde. Il est en jugement en appel devant la Cour d’appel de Kigali où il bénéficie de tous les droits de défense garantis par les conventions internationales et par les lois rwandaises.

Signalons que l’accusation contre Rusesabagina s’appuie sur les déclarations d’autres membres du FLN qui ont été arrêtés et qui sont jugés avec lui, des conversations et des échanges de textos, mais aussi sur une perquisition effectuée au domicile belge de Paul Rusesabagina, le 21 octobre 2019, au cours de laquelle deux téléphones, un ordinateur et plusieurs documents ont été saisis, contenant des informations accablantes sur son rôle dans des actions terroristes contre le Rwanda.

Fin 2018, dans une vidéo diffusée sur Internet, Paul Rusesabagina déclarait : « Depuis juillet, le FLN a lancé une lutte militaire pour libérer le peuple rwandais. Il est impératif qu’en 2019 nous accélérions la lutte de libération, le peuple rwandais ne peut plus supporter la cruauté et toutes sortes de mauvais traitements que nous inflige le régime. Le temps est venu que nous utilisions tous les moyens possibles pour amener le changement. Comme tous les moyens politiques ont été essayés et ont échoué, il est temps d’essayer notre dernier recours. »

En première instance, Rusesabagina a reconnu dans son procès avoir participé à la création des Forces de libération nationales (FLN), branche armée du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), responsables d’attaques qui ont fait neuf morts et plusieurs blessés civils en 2018 et 2019 dans le sud-ouest du Rwanda. Son jugement est aujourd’hui en appel devant la Cour d’Appel de Kigali.

Quant à Victoire Ingabire, c’est une personne qui a été jugée et reconnue coupable le 13 décembre 2013 par la Cour suprême de trois infractions prévues dans le Code pénal rwandais :

  • Conspiration contre la sûreté nationale par le terrorisme et le recours à la guerre ;
  • Minimisation du génocide commis contre les Tutsi en 1994, et
  • Propagation de rumeurs dans l’intention d’inciter la population à la violence.

Ingabire a écopé d’une peine de 15 ans de prison alors que le Parquet avait requis un emprisonnement de 25 ans. Elle a finalement été libérée par la grâce présidentielle en septembre 2018 après 8 ans de détention, ce qui signifie qu’elle a bénéficiée d’une clémence d’emprisonnement de 7 ans.

Un régime qui ne respecte pas les droits humains n’agit pas de cette manière-là. Bref, la poursuite de Rusesabagina pour terrorisme et la reconnaissance de culpabilité d’Ingabire Victoire Umuhoza n’ont rien à voir avec l’exercice de leurs droits politiques et civils. Le Rwanda respecte comme il se doit la liberté d’expression de l’ensemble de ses citoyens, mais comme tout Etat de droit, le Rwanda ne peut pas accepter la falsification de son histoire et le désir de recommencement du génocide.

Ceci est d’ailleurs une obligation internationale puisque le droit international en matière de droits humains interdit le terrorisme ainsi que les discours haineux comme toute forme d’incitation à la violence, la discrimination ou l’hostilité contre un groupe protégé.

Je vous remercie.